lundi 6 août 2018

happyness road de Hsin-Yin Sung (2018)



Happyness Road (synopsis): Tchi vit aux USA où elle s’est installée, à la poursuite du « rêve américain », après ses études à Taiwan. Sa grand-mère adorée vient à mourir et la voilà de retour dans sa ville natale, où elle retrouve sa famille, ses souvenirs d’enfants et son quartier Happiness Road. Tout se bouscule dans son esprit : ses souvenirs d’enfants, la petite et la grande histoire, l’amertume de l’exil, ses espoirs de carrriere, son fiancé américian et sa famille aux traditions un peu ringardes… Et si finalement le rêve américain n’en était pas un  ? Tchi finira-t-elle par se retrouver  alors qu’elle ignorait s’être perdue ?
Petite note préliminaire : J'ai eu quelques difficultés à mettre en texte, cet anime qui m'a marqué. Voici, cette chronique, avec spoilers, très imparfaite pour traduire mon sentiment à ce sujet.

L'animé Happiness road est une curiosité par son origine taïwanaise, son côté tranche de vie (autobiographique ?), son histoire ancrée dans le parcours d'une femme née en 1975, et son style de dessin original qui n'est pas sans rappeler un peu Isao Takahata (ex : Mes voisins les Yamadas), mais encore par sa morale ambivalente.

L'héroïne, qui vit aux états-unis, revient à Taïwan pour l'enterrement de sa grand-mère, et commence à se remémorer sa vie qui l'a ramenée jusqu'ici. Le film nous transporte d'abord dans une fantaisie où l'enfant enchante, par son imagination, son quotidien, celle d'une famille ouvrière qui s'installe à "happiness road", une rue d'un quartier populaire.

Puis nous suivons son parcours entre flash backs et histoire présente, celle d'une femme au milieu du gué de la vie, totalement perdue entre ce qui l'a amené au gré des flots à sa vie actuelle et l'éloignement par rapport aux espoirs de son enfance, de ceux de ses amis. Elle trouvera un certain réconfort auprès de sa famille et de la rencontre fortuite d'amis d'enfances.

Ancrée dans l'histoire récente de la société de Taïwan, happiness Road nous apprend beaucoup de choses, entre l'évolution vers une démocratie, le développement économique, l'obligation de parler mandarin (plutôt que le dialecte local taïwanais, semble-t-il) à l'école et l'existence d'autochtones... Et nous donne envie d'en savoir plus sur cette île.

Profondément touché par ce parcours  si humain - et y ressentir une certaine analogie avec ma vie privée n'y est pas étranger - j'ai trouvé que l'auteur avait mis toute son honnêteté dans cette oeuvre douce-amer, où la famille reste un soutien.

Cependant cette animation m'a placé dans une zone d'inconfort certaine avec quelques détails :

* après nous avoir présenté une femme, imprégnée du caractère libre de sa grand-mère (une autochtone de Taïwan) qui a toujours fait des choix indépendants d'études, de métier, de vie à l'étranger, la réalisatrice nous la place, de retour au pays, dans une culture de poids de la dette dont on ne peut se défaire.
Ainsi de son sentiment de culpabilité très fort, à mesure que les souvenirs reviennent, en regardant comment ses parents vivent à présent (notamment la scène où elle ouvre le frigo et découvre des produits en partie périmés : " Est-ce de ma faute?").

* Une série de stéréotypes graphiques (bien que les occidentaux et les japonais aient leurs parts dans leurs oeuvres aussi) avec les métis systématiquement représentés en blonds aux yeux bleus (😲).

* Ou cette représentation du mari américain (toujours un blond) assez peu esquissé car élément somme toute déjà extérieur à l'héroïne(1)  : nous ne saurons peu de choses de lui, sauf qu'il n'aime pas sa cuisine (seul trait semblant nous indiquer qu'il n'arrive pas à se faire à sa culture), ne veut pas d'enfant et l'invite à participer à des séances de psy conjugal où elle n'y comprend pas grand chose (révélant une part d'égoïsme de la part du conjoint).


* Enfin, un générique où se place en entête des remerciements de la réalisatrice : "A ma famille à ma patrie" (en sous titre)...

Ainsi, j'ai ressenti un message sous-jacent  de cet anime , très beau et très juste dans les sentiments de l'héroïne par ailleurs : l'absence d'échanges interculturels possibles et la présence réconfortante des piliers que représentent la famille, culture et patrie, seuls à même d'opérer des liens, de la communication.

Ce n'est pas le sujet me diront certains, ou bien, le film ne peut pas tout montrer... Mais le choix de ces simplifications est justement porteuse de sens. Comme par exemple , le choix de cette femme de ne pas informer son mari qu'elle est enceinte (du moins "devant la caméra").

Au final, une animation belle et juste dans le parcours doux et amer d'une quarantenaire de notre temps, à la morale ambiguë (une famille soutien, mais récipiendaire d'une mise en valeur de la patrie, et de tout ce que cela véhicule)..


(1) (en un sens une vraie caricature. La seule "étrangère" avec qui certaines inter-actions sont présentées est Betty)

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