samedi 5 mai 2018

Romans de Shadowrun : Méfie toi des dragons (1990) de Robert N. Charrette

Le film Bright  ayant entrainé une certaine nostalgie à l'égard de Shadowrun, un univers de jeu de rôle (JDR) que j'ai beaucoup pratiqué pendant mon adolescence (en tant que maître du jeu, surtout), je me suis retrouvé à relire certains romans dérivés de cette époque, dont la première trilogie "Les secrets du pouvoir" de Robert N. Charette (et premiers romans édités, pour une liste c.f ICI).



Mais avant tout une petite mise au point sur Shadowrun.
La première version de ce JDR "sur table" (nous ne sommes pas dans un MMRPG) est éditée en 1989 par l'éditeur FASA.
Nous sommes alors en plein mouvement littéraire cyberpunk (Neuromancien de William Gibson, roman "fondateur (?)" du genre est édité en 1984) et cette thématique devient un des deux piliers centraux de cet univers : augmentations cybernétiques, monde ultra connecté, perte de pouvoir de l'administration publique et surpuissance des corporations qui disposent des pouvoirs économiques et de pouvoirs extra-territoriaux, dirigeant de fait ce monde dystopique et en partie "balkanisé", morcelé en de nombreuses nations, notamment aux Etats-Unis.
Le deuxième pilier est l'idée que la magie réapparait après une longue période (selon une théorie de temps cyclique de la magie), entraînant la transformation de nombreuses personnes en orkes, elfes, nains ("gobelinisation", c'est à dire expression de genes "métahumains"), et permettant à des personnes de manipuler la magie...
Les joueurs sont des shadowrunners ("coureurs de l'ombre") sortes de mercenaires hors du système, qui profitent des interstices entre les mégacorporations, pour accepter des missions d'ex/infiltrations, d'espionnage industriel, etc...

L'univers, conservant un certain succès, et après des fortunes diverses du point de vue de l'enrichissement de sa gamme et de ses éditions, a connu entre 1989 et 2016 :
- 5  éditions de règles au travers de plusieurs éditeurs ;
- des suppléments variés (sur des thématiques de personnages et de lieux, des scénarios ou campagnes) ;
- des produits dérivés comme un jeu de cartes à jouer et collectionner, un jeu vidéo, des romans.

Et tout cela le long d'une time line qui a évolué avec son temps : le jeu place l'action en 2050, lors de sa première édition de 1989, et en 2070 lors de la quatrième édition. Ces évolutions auront notamment l'avantage de réactualiser la projection de l'évolution technologique (le mouvement cyberpunk d'origine ayant sans doute d'une certaine manière échoué à imaginer le développement des smartphones, de l'ultra connexion des écrans plats, objets totalement intégrés, ou monnaies totalement virtuelles... Je reste toujours surpris par ces "créditubes certifiés" de shadowrun...). Et ce gouffre se ressent dans le tout premier roman dont je vais parler ci-dessous, donnant lieu à un petit côté rétrofuturiste ayant quand même son charme).


Méfie toi des dragons...T1 de la trilogie des secrets du Pouvoir (1990)
J'avais gardé un excellent souvenir de cette lecture dans mon adolescence et j'étais curieux de voir ce qu'il en était aujourd'hui.

D'un point de vue totalement objectif, ce roman aurait énormément de défauts
- il est assez brouillon dans son intrigue, celle-ci évoquant une série de l'époque où l'on déroule quelques fils sans n'être jamais certains qu'ils mèneront quelque part;
- il présente une multiplicité de personnages pas toujours utiles;
- l'intrigue, avec un gros problème de rythme, met du temps à démarrer pour s'accélérer vers la fin, de façon un peu trop fouillis.

Ce problème de rythme est sans doute consubstantiel de la raison pour laquelle il a été rédigé : être "un support", un "produit dérivé" du jeu de rôle, et présenter son univers. Bref être un tome d'exposition ou un pilote de série. Il est donc très explicatif dès le départ, détaillant la matrice, la vie dans une corporation (celles-ci remplaçant les nations dans le futur) du héros jusqu'à son départ de celle-ci et son indépendance dans les "ombres", coeur du jeu et de l'univers (les histoires étant centrées sur ces indépendants qui vivent hors des organisations). Le roman met donc énormément de temps à rentrer dans le vif du sujet.

Sans reste de nostalgie, me serais-je accroché pour lire le roman jusqu'au bout ? Pas Sûr. 

Toutefois l'univers reste riche et accrocheur malgré tout. Et l'intrigue s'améliore heureusement ensuite.

Concernant l'aspect de projection futuriste, sociale et technologique,nous sommes en plein "Japan Bashing" aux USA et la représentation du Japon et des japonais s'en ressent quant aux mythes qu'ils véhiculent à l'époque.
La connexion aux réseaux de données par l'intermédiaire d'une console avec un datajack (le "surf" dans la matrice étant une représentation virtuelle 3D rappelant les jeux vidéos des années 90), l'utilisation d'ordinateurs,  de fixers ("monsieurs huggy les bons tuyaux"), sans rechercher l'information par soi même sur cet univers de données, la matérialisation de la monnaie virtuelle dans des "créditubes", etc... renforce ce côté rétrofuturiste dont je parlais plus tôt... Nous sommes pourtant capables en 2050 de greffer des cyberimplants sur les corps humains... et pas encore fichus de créer des IA... 

En conclusion, une lecture en grande partie nostalgique sur un univers porteur d'un roman objectivement bourré de défauts... A vous de voir.

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