mercredi 29 juin 2016

La mort en plein ciel d'Agatha Christie

La mort en plein ciel (1936) - Death in the clouds (1935)
Traduit par Louis Postif (1936)



Agatha Christie occupe une place centrale dans mes lectures de policiers à l'ancienne ou detectives novels. Pour les avoirs découverts pendant les grandes vacances, les personnages familiers d'Hercule Poirot et Miss Marple m'évoquent les lectures d'été.

Par désœuvrement je m'étais mis à lire une année tout ce qui me tombait sous la main dans la bibliothèque de mes parents, dont ces Agatha Christie dans une édition des années 70 au club du masque.

Et puis récemment, je suis retombé sur un de ces volumes : la reluire est à présent décollée, mais conserve sur sa couverture une illustration que j'apprécie (aucune information sur son auteur). Le masque ne présentait pas encore la sobriété des couvertures des années suivantes.

La traduction fut réalisée par Louis Postif (1887~1942) en 1936, aussi connu pour être un des premiers traducteurs de Jack London. Sans que la qualité de la traduction soit en cause*, le Masque fera retraduire l'intégralité des romans d'Agatha Christie dans les années 90 : c'est qu'il semble qu'à l'époque les éditeurs avaient l'habitude d'effectuer des coupes pour des raisons qui leur étaient propres (lire à ce titre l'intéressant papier suivant).

Je n'avais jamais autant eu conscience, avant cette relecture, de l'originalité et talent de l'auteur qui savait si bien se jouer des règles traditionnelles qui bornent le genre du roman policier classique (le fameux décalogue de Knox).

Dans les premiers chapitres nous rentrons ainsi dans la pensée des différents personnages, dont le détective,

L'auteur nous décrit une ambiance assez originale - au moins pour l'époque** -  un avion traversant la Manche pour rejoindre l'Angleterre... Une victime française, usurière de son état. Et parmi les passagers... Hercule Poirot, le plus célèbre détective Belge du monde.

S'ouvre alors une enquête se déroulant entre Paris et Londres, avec plusieurs suspects hauts en couleurs.

L'accent est mis sur les étapes de la recherche du criminel, comme un jeu de piste avec différentes énumérations et raisonnements des enquêteurs. 

Paradoxalement, si Poirot met en avance le raisonnement (la mise en marche de ses cellules grises), avant des "analyses psychologiques" décriées, il reste toutefois un fin observateur de ses interlocuteurs.

Ce roman nous dépeint une société anglaise d'époque avec ses préjugés et sa xénophobie (tel un premier juré qui décide de déclarer coupable Poirot, parce qu'il est étranger, et donc suspect...décision vite cassée par le juge, connaissant la réputation du détective), voir son racisme [p135]. Dans la majorité des cas, Agatha Christie choisit de s'en moquer un peu.

Mais ce qui me surprend toujours chez elle, c'est la figure récurrente de l'auteur de roman policier dans ses propres fictions, qui semble autant tenir du double (comme d'un caméo)  que du personnage comique duquel on se moque. Cela apportait-il à l'auteur une certaine distanciation et relativité par rapport à son ou succès ? Ou lui donnait l'occasion de caricaturer gentiment des auteurs de sa connaissance ?

On assiste ainsi dans la mort en plein ciel, à une sorte de jeu de miroirs savoureux, avec l'interrogation de Mr Clancy par le détective.

Le roman porte également son mot d'interrogation sur le sens de la recherche du coupable d'un meurtre. Plus que la justice, c'est la nécessité de disculper les innocents qui conduit à la recherche des criminels pour Poirot.


Au final,après la lecture d'un Patricia Wenthworth, nulle comparaison n'est possible. Agatha Christie fut vraiment la grande reine du crime et ce roman est à lire ou à relire...

*****

C'est un français. On dit qu'une femme doit se méfier d'un français. (Jane pensant au sujet de Jean Dupont)



* Cette version a quelques mots surannés comme écrivassier [p37] au lieu d'écrivaillon peut-être plus courant (?).
** mais je ne connais pas d'autre roman avec whodunit où le meurtre se déroule en plein ciel.

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