jeudi 20 février 2014

Kaze tachinu, le vent se lève de Hayao Miyazaki



J'avais un peu laissé tomber les productions Ghibli depuis le château dans le ciel (avec toujours cette impression de revoir le même film sans que cela apporte vraiment quelque chose), mais je ne pouvais pas laisser passer la dernière œuvre du maître Miyazaki. En raison de certaines circonstances, je me suis également retrouvé à voir ce film deux fois, avec un certain plaisir je dois dire. Quelques spoilers seront glissés dans cette chronique. Lisez la donc en connaissance de cause.

" Le vent se lève"* (kaze tachinu) est librement inspiré de la vie de Jirô Horikoshi (de son enfance à la fin de la guerre), lequel deviendra l'ingénieur concepteur de l'avion Mitsubishi A6M aka le chasseur zéro. Ce film est sans doute le plus réaliste de Miyazaki, à l'exception des rêves de Jirô.
Il retrace la jeunesse de Jirô, enfant passionné d'aviation, jusqu'à l'achèvement du chasseur zéro. L'homme est porteur d'un rêve, celui de créer de beaux avions (utsukushii hikouki) avec la conscience de vivre dans une période troublée : les avions sont des objets, mais certains hommes - les militaires -  veulent les utiliser pour faire la guerre. Une scène est prégnante dans le dessin animé : dans le rêve de Jirô, apparaît Caproni qui lui demande "veux tu un monde avec ou sans pyramides?". La création des pyramides a donné une des grandes merveilles du monde mais a suscité son lot de victimes... Ici se trouve la conscience de ces techniciens et ingénieurs qui ont participé à la création de machines de guerre : ils savent se trouver dans une époque difficile mais n'abandonnent pas leurs rêves.


A la sortie du cinéma je me suis retrouvé avec une forte impression d'avoir assisté au testament esthétique et biographique de l'auteur, voir des gens de sa génération et de la société d'alors.C'est que le film est très didactique (sans être pesant) dans la présentation d'une époque et d'une génération. Miyazaki brosse parfaitement les éléments caractéristiques qui ont façonné la société japonaise d'alors : le grand tremblement de terre du Kantô en 1923 (et l'incendie consécutif de Tokyo), la crise économique, l'obsession du Japon de rattraper son retard technologique, le fait que les japonais restaient dans l'ensemble assez pauvres alors que le pays - pourvu d'une certaine richesse - achètait des avions, la présence de la police politique... Tous ces éléments remettent en contexte les choix des hommes et femmes de cette époque...


Du point de vue graphique nous retrouvons le style de Miyazaki et sans doute son obsession des détails : pour ceux qui connaissent un peu l'histoire du Japon des années 20-30**, ou son iconographie (publicité d'époques, etc...). D'autre part, ce soucis du détail se retrouve dans le réalisme apporté aux scènes. Ainsi le film aura un impact personnel sur moi, pour certaines périodes que j'ai vécu là-bas : je retrouvais des ambiances et un aspect visuel qui n'a pas forcément beaucoup changé, pour ce qui est de la campagne et de maisons anciennes... 


Au final, "le vent se lève" est une œuvre sur une époque complexe où les choix de nos anciens sont remis en perspective. Un film magnifique à bien des égards .


"Le vent se lève, il faut tenter de vivre."





Autres avis : Lorhkan ;

* tiré d'un poème de Paul Valéry ("le cimetière marin"). Cette citation "kaze tachinu" fut également le titre d'un roman de Tatsuo Hori dont l'action se passe dans un sanatorium. Miyazaki s'en serait inspiré pour son intrigue amoureuse.
** Je vous conseille, si un jour vous allez à Tokyo d'aller visiter les musées suivants : Edo Tokyo Bijutsukan et Shitamachi Hakubutsu kan : on peut y observer des habitats d'époques.

2 commentaires:

  1. Un film qu'on sent très personnel en effet, tant les parallèles entre Horikoshi et Miyazaki semblent être nombreux... Un vrai film testament oui, ça y ressemble bien.
    Parmi les bonnes idées du film, j'ai beaucoup aimé les bruitages "à la bouche" des moteurs d'avion (et du tremblement de terre), ça ajoute un peu plus d'humanité je trouve. C'est tout bête mais ça fonctionne très bien.
    Et puis, comme d'habitude, artistiquement, c'est superbe !

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  2. Oui, un grand film.

    C'est vrai que les bruitages humanisent ces appareils... Parfois le dessin des avions (comme le juncker) semble animaliser ces appareils aussi.

    J'ai cru reconnaître un acteur, Kunimura Jun, dans la voix d'un des deux chefs de Jiro (le grand)....C'était très agréable...

    Et la chanson au générique de Yummin "hikôki gumo"...

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