samedi 12 mars 2011

Dilvish le damné de Roger Zelazny


Quatrième de couverture = Il s'appelle Dilvish de Sélar, mais les vieilles chansons parlent plutôt de lui comme de Dilvish le Libérateur. Vaincu par Jélérak, il a été exilé plusieurs siècles durant aux enfers. Un séjour qu'il a mis à profit pour apprendre les douze Abominables Formules de la magie noire. Chevauchant un sombre cheval d'acier capable de cracher du feu, chaussé de bottes d'elfe qui ne laissent aucune empreinte derrière elles, armé de l'Épée Invisible, Dilvish est de retour. Et la route qui le mène de la résurrection à la vengeance lui fera traverser un monde magique où derrière chaque rencontre se cache un danger mortel ou un faux-semblant.

Dans ce volume est publiée pour la première fois en France l'intégralité des aventures de Dilvish le Damné, soit onze nouvelles et un roman. Au carrefour de la sword & sorcery classique et de l'hommage à H. P. Lovecraft, Dilvish le Damné fait partie des fantasies les plus assumées de Roger Zelazny.




Poursuivant une politique d'éditeur ambitieuse, la collection Lune d'encre a créé l'événement parmi les Zelazniens*  en sortant le 10 Mars 2011 l'intégrale des histoires de Dilvish dans une nouvelle traduction de Michelle Charrier.

L'ouvrage français est constitué du recueil de nouvelles "Dilvish the Damned", écrites entre 1965 et 1982, et du roman "Changing land" (1981) qui clôture l'histoire de son héros.

Si le roman avait déjà été édité par Denoël (en 1986 semble-t-il), les nouvelles étaient restées in-traduites jusqu'à aujourd'hui. On ne peut donc que saluer les efforts de Lunes d'Encre à ce sujet (1).

Cependant l'œuvre mérite-t-elle que l'on s'y intéresse ? La première observation que l'on pourra faire, et le seul regret, sera l'absence de préface ou appendice qui recadrerait l'oeuvre dans son contexte (2).

La couverture est plus que correcte, assez respectueuse visuellement du contenu,  et la traduction d'excellente facture (3).

Quant à l'œuvre, elle raconte la vengeance de Dilvish de Selar contre le magicien Jélérak dans un monde d'heroic fantasy qui emprunte aux canons classique de l'époque (créatures et objets magiques...) mais avec un style d'écriture bien Zelaznien : des descriptions bien tournées, des dialogues percutants qui servent une action rythmée... Sans se retrouver face à une œuvre majeure de l'auteur, les fans ne s'ennuieront pas et les autres prendront plaisir à la lecture... 

Chaque nouvelle semble prendre naturellement la suite de la précédente et apporte par touche sa pierre à l'histoire, jusqu'à la conclusion finale donnée par le roman.

Au delà de l'histoire il est frappant de remarquer certains points communs ** avec la célèbre saga des princes d'Ambre, marquant les obsessions de l'auteur : Dilvish, "cousin de Corwin" ?

[attention spoiler ].

Des similitudes rendent effectivement Dilvish et Corwin bien plus proche que d'autres héros zélazniens. L'impression demeure qu'ils conservent un même parcours soumis à l'hybris (démesure inspirée par leurs passions, dont leur orgueil), ils auront à affronter leur Destin avant de se soumettre à lui et devenir l'instrument de la Némésis de leur ennemis.

Parcours :

# Des êtres hors normes :
Dilvish, demi elfe, capable de surmonter un bannissement en enfer.
Corwin, prince d'Ambre, capable de voyager entre les Ombres.

# L'expérience d'un exil :
Dilvish pétrifié par le magicien Jélérak verra son esprit prisonnier dans les maisons des douleurs. Il en reviendra avec des connaissances sur les démons et des sortilèges puissants.
Corwin, sera laissé amnésique à la suite d'un affrontement sur l'Ombre terre. Son expérience de l'humanité lui apportera plus de profondeur et d'autres points de vue pour résoudre ses épreuves.


# Un appui important :
La connaissance de la poudre sur Ambre pour Corwin et l'aide du cheval de métal ténèbre pour Dilvish.


# Une volonté inébranlable malgré les épreuves :
Corwin : Blessures et amnésie, rendu aveugle et emprisonné, mais prêt à engager une armée et foncer sur Ambre.
Dilvish : jeté dans un enfer, revenu dans le monde pour gagner une guerre et ensuite  rechercher son ennemi dans toutes ses forteresses.


# coupables d'hybris :
Dilvish : Seigneur, chasseur, poète - en bref, un héros charismatique - tente d'empêcher un sacrifice humain opéré par le plus puissant des magiciens, lequel s'apparente à une force de la nature (on ne prononce pas son nom, lequel pourrait attirer des créatures à son service).
Corwin : sûr de sa position de prétendant et de ses qualités à gouverner Ambre, il affronte son frère et finira par lui lancer sa malédiction - laquelle touchera Ambre.


# finalement soumis à leur destin  : 
En un sens leur vengeance les soumets à leur destin pour en faire des héros tragiques au sens classique. Ainsi, l 'objet de leur vengeance leur échappe (Eric et Jélérak disparaissent mais pas de la main de nos héros), même s'ils prennent part à la déchéance de leurs ennemis (malédiction sur Eric, guerre et forteresses perdues par Jélérak). Ils deviennent ainsi l'expression de la Némesis de leurs opposants. Leur destin ne leur appartient plus.

*****


A voir d'autres critiques de Dilvish, recensées sur le blog de Lunes d'Encre.


* fans "hard-core" de Roger Zelazny
** des similitudes qui vont au-delà de la simple structure commune à un roman de fantasy
(1) On peut considérer cela comme un appel de pied, mais espérons qu'ils obtiendront les droits pour traduire les 6 nouvelles d'Ambre écrites entre 1993 et 1996...
(2) Il faut par exemple aller faire un tour sur wikipédia pour savoir de quelle époque datent les nouvelles et l'on aimerait connaître les raisons de la conception du roman, etc... On se prend à rêver d'un travail de recherche sur l'auteur à l'instar de ce qui se fait pour Howard en ce moment.
(3) je n'ai pas comparé avec la version anglaise, mais le français est loin de choquer ou d'apparaître maladroit.

Maj 29/03/2011

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