lundi 16 août 2010

Un bonheur insoutenable

Si, dans la littérature, l'utopie (étym. "lieu heureux") s'attache à décrire un régime politique idéal, la dystopie ("lieu néfaste") présente l'avènement d'un mauvais système, d'une société dite "parfaite" contre laquelle on met en garde. La frontière est parfois mince car la mise en application d'une utopie est source  de désastre. La science fiction, dans le domaine de l'anticipation, est devenue un champs fertile pour les dystopies tel que Le Meilleur des mondes... 

 

Un bonheur insoutenable ("This perfect day") d'Ira Levin est représentatif de ce courant. Souvent considéré comme un sous Huxley ou Orwell, l'ouvrage est sous-estimé par la critique (significatif, le commentaire d'une dystopie en "version informatique" par le cafard cosmique) alors qu'il reste d'une grande modernité.

 

Dans le futur, le monde s'est unifié sous le nom de la "famille" (car nous sommes tous frères et sœurs) et est gouverné par un ordinateur géant UNI, lequel gère tous les aspects de la vie de l'individu : l'éducation, son orientation professionnelle, son mariage éventuel... Et sa dose mensuelle de traitement médical, laquelle va pouvoir en faire un parfait citoyen coopératif, serviable et pondéré, dépourvu d'égoïsme, passions et indépendance.

Se dévoile alors une société idéale, sans guerre ni pauvreté, délivrée des gaspillages ou  des conflits. Une société efficace, dont le corolaire est la sécurité. Séduisant* ? Non?

 

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"- A l'époque pré-U, dit-il les membres sacrifiaient l'efficacité à la liberté. Nous avons exactement fait le contraire.

- Nous ne l'avons pas fait dit Lilas. On l'a fait pour nous."

 

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Nous suivons ainsi le parcours de Li RM35M4419 **, lequel a reçu de son grand-père le surnom de "copeau"(premier pas vers l'individualité?), vers l'apprentissage de l'autonomie et de la révolte.

 

Si certains aspects, proches de la technique du thriller, pourraient être reprochées à l'auteur, le roman reste original et passionnant.

 

Ainsi, dans l'histoire l'avènement du système de contrôle social a été réalisé progressivement, sans doute au début avec le consentement des personnes, lesquelles ont choisi la sécurité et abandonné leur autonomie à un ordinateur. D'autre part, la fin de l'ouvrage ne laisse pas d'ambiguïté sur les maîtres : derrière tout ordinateur, il y a des programmeurs en pleine possession de leurs moyens (non traités). Ainsi ce sont toujours des hommes qui en asservissent d'autres.

 

Toutefois, la conclusion interpelle :  la seule révolution possible passe par la mise hors service définitive de l'ordinateur central - sans s'intéresser aux conséquences désastreuses (et potentiellement mortelles?) de la désorganisation brutale et complète de la planète. Pour Ira Levin, la liberté doit primer sur la sécurité. La question du prix à payer est évacuée. Le sens de la responsabilité du collectif s'efface.

 

Parallèles :

- Où l'on s'aperçoit que Kurt Wimmer n'a rien inventé avec le film EQUILIBRIUM. Il est d'ailleurs intéressant de voir qu'il ne cite absolument Ira Levin comme source :

Bien sûr, je me suis inspiré d'Huxley, Orwell ou Bradbury qui tous utilisent le paradigme d'une société dans le futur, mais la comparaison s'arrête là. C'est le combat d'un homme redécouvrant son humanité." (Allociné)

- Où la lecture du livre me ramenait immanquablement pour l'esthétisme à Bienvenue à Gattaca.

- Où le livre a semble-t-il inspiré THX1138 le premier long métrage de Georges Lucas.

- la notion de liberté au centre de nos sociétés moderne me paraît d'essence occidentale. et la fiction en est fortement imprégnée. Un auteur asiatique - n'aurait sans doute pas la même appréhension du phénomène, la notion d'harmonie étant plus importante que celle de liberté.

Echelle :
- intérêt A (à conseiller, à garder dans une bibliothèque)

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* Dans un contexte de recherche incessante de la sécurité (risque 0, lutte contre le terrorisme...)

** il n'existe que 4 noms pour les hommes et 4 pour les femmes

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 A lire également la critique de Gromovar.

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