mardi 14 juillet 2015

Le comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas



J'avais lu pour la première fois "Le comte de Monte-Cristo" au collège, un des plus célèbres romans d'Alexandre Dumas (1802-1870)(1). Mes souvenirs étaient fort anciens et je souhaitais relire l'oeuvre dans le contexte d'un intérêt actuel marqué pour les romans du 19e siècle. 

Tout cela je le dois à une liseuse que l'on m'a offert il y a quelques années (merci L !) : j'ai mis du temps à m'habituer à son utilisation et si je l'évite pour les romans modernes, j'ai découvert grâce à cet objet un accès direct à de nombreux romans anciens oubliés ou passés à la postérité. Ainsi du "comte de Monte-Cristo" ou du "crime de L'omnibus" (Fortuné du Bois Gobet) - dont je vous reparlerais prochainement.

Cette chronique possédera des "spoilers" - Attention.

A la lecture du comte de Monte-Cristo, ce qui saute aux yeux c'est que le roman possède un style très hétérogène : parfois flamboyant et percutant, épousant parfaitement l'action ou la description de paysages, parfois très plat et répétitif (comme le compte d'apothicaire de l'argent qui reste à Albert et sa mère Mercédes). 

C'est que l'oeuvre aurait été écrite - comme d'autres romans - en collaboration avec Auguste Maquet, auteur au style moins romanesque que Dumas. Cela peut expliquer un peu une certaine hétérogénéité. D'autre part, il semble que Dumas était payé à la page, il avait donc intérêt à rallonger la longueur de ses œuvres, parfois au delà du raisonnable.

Ainsi, ce style a fait couler de l'encre chez Umberto Eco, lequel - n'étant pas à un paradoxe près - voit dans "le Comte de Monte-Cristo, le plus grand roman mal écrit" (ICI et de ses difficultés à adapter en italien un roman au style hétérogène).

Sans aller jusque là, nous dirons que le style est efficace pour cette oeuvre.

Roman emblématique et séminal de la vengeance, le comte de Monte-Cristo a fait l'objet de nombreuses adaptations et été source d'inspirations. On l'évoque ainsi parfois à toutes les sauces, jusqu'à en malmener la portée ?
Inspiré d'une histoire vraie, ce roman raconte sur plus de 1000 pages (6 tomes), une machination qui va envoyer en prison Edmond Dantès pendant de nombreuses années, son évasion et sa vengeance contre les auteurs de ses malheurs.
Toutefois le roman est dense et va bien au-delà d'une simple histoire de vengeance, pour constituer une analyse de cette époque foisonnante en mutation.

C'est que le 19e siècle a vu se dérouler de nombreux bouleversements en France : le pays est passé par plusieurs régimes politiques et voit son élite sociale se déplacer d'une noblesse parée de toutes les vertus, mettant l'honneur en premier plan, à une grande bourgeoisie, valorisant le succès économique. 
Tout cela ne se passe pas sans frictions : Dumas montre les hypocrisies de ces classes obsédées par l'apparence de l'honneur et la toute puissance montante de l'argent. 
Ainsi, l'économie occupe une place centrale dans ce roman et l'on ne manque pas de s'étonner de l'aspect immatériel de la monnaie scripturale. L'auteur mentionne des investissements dans des mines d'argents à l'étranger, dans des chemins de fer... L'un des personnages centraux, Morrel, est un armateur...

Quant à la vengeance, il ne s'agit pas d'un simple règlement de compte brutal : l'abée Faria, compagnon d'infortune du château d'If, qui tient le rôle de professeur et éducateur pour Edmond Dantès, pose - sans le savoir - les limites morales de la vengeance, dans le refus de frapper des gens qui ne sont pas la cause directe de leur malheur à propos de leur projet d'évasion. 

Le héros, par certaines péripéties, se voit à plusieurs reprises rappelé que sa vengeance ne doit pas dépasser un certain cadre (dont Valentine par exemple sera sauvée de l'indifférence du comte de Monte Cristo, grâce à l'amour de Maximillien Morrel).

Edmond s'investira dans le rôle de la Providence divine de façon à punir les coupables - par là où ils ont péché - d'une "juste vengeance" (voie étroite s'il en est) . 
Ainsi Morcef, cet homme "d'honneur" qui a basé sa fortune sur une félonie est puni par le déshonneur...Ou Villefort, procureur et "parangon de justice", qui a assit sa carrière sur une injustice, se voit rattrapé par un crime, et de Danglar, riche par sa corruption et collusion, plonge dans la banqueroute...
L'oeuvre prend alors des aspects de dénonciation d'une époque et de ses faux-semblants.

Et enfin, dévoré par ce besoin de vengeance et ayant passé une partie importante de sa vie à la préparer et l'exécuter, Dantès est une âme perdue dont le salut provient de l'amour d'une femme, Haydee. Providence encore et toujours.


Le comte de Monte-Cristo ? Un grand roman à lire, assurément.

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