lundi 23 janvier 2012

Univers 1983 de J'ai Lu (anthologie)


Univers de J'ai Lu SF était un magazine de SF édité de 1975 à 1990 d'abord trimestriellement jusqu'en 1979 puis annuellement, nous apprend l'ami wiki. Dirigé d'abord par Jacques Sadoul et Yves Frémion, puis confié à Joëlle Wintrebert en 1983, il prend l'aspect d'un livre poche et a pour but de présenter un panorama élargi de la SF anglo-saxonne et française de l'époque.

Avec ce recueil, je redécouvrais une méthode ancienne de notation que j'avais pratiqué pour mes lectures et écoutes* : 0 (nul), + (pas terrible), +(+) (pas mal ou ne se prononce pas encore), ++ (bien) et parfois +++ (excellent). Sur le sommaire, ces codes étaient encore écrits au crayon. Si depuis, j'avais oublié la plus part des titres, seuls ceux estampillés "+++" étaient encore frais dans ma mémoire. Des goûts au final relativement stables.

+(+) Détails de l'exposition de Jean Claude Dunyach : un texte bien maîtrisé pour un résultat somme toute assez classique - un peu trop ?
Où la création de mondes alternatifs représente une forme d'art. La nouvelle prend la forme d'un article d'un critique d'art ou du catalogue décrivant l'exposition l'exposition en question.

+ Retour à la vie de Michael Bishop : une nouvelle qui n'est pas sans rappeler les "romans fleuves" de Philippe José Farmer. Un texte pas vraiment abouti, dans lequel on se demande où veut en venir l'auteur.
Où toute la population mondiale se trouve déplacée et répartie aléatoirement dans un autre pays. Nous découvrons les conséquences de ce chaos. Fin du monde? Ou pas ?

+++ Diffère quelques temps ton bonheur céleste de Somtow Sucharitkul : une nouvelle originale, vraiment brillante, qui m'avait laissé une impression durable (avec la nouvelle du maître).
Où le premier contact avec des extraterrestres (supérieurs) prend l'allure d'un pacte faustien dans lequel les hommes doivent rejouer sans arrêt leur même journée pendant des millions d'années en échange de l'immortalité. Bien sûr ils n'ont pas le choix de refuser. A moins que...

+(+) Les derniers philosophes de JH Winterhall : le premier article de ce recueil compare certaines œuvres (films) de SF à des illustrations de réflexions philosophiques. Amusant mais déjà anecdotique à l'époque (et daté aujourd'hui pour les références exploitées).

0 La vallée des ascenseurs de Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne : Nouvelle archi-datée et pas vraiment excitante : à cette époque les univers "virtuo-réels" suscités par "magie informatique" étaient à la mode.
Où Alexander est chargé de retrouver et ramener Conrad un "computerman" (sic) de l'univers parallèle "computosphère" (virtuel?) suscité par le super ordinateur wotan (je suis sur qu'il est alimenté en fiches perforées celui-là). En effet, les "computerman" ont le pouvoir d'aspirer des objets du monde réel dans la computosphère. Ce qui est quand même un peu gênant...

+ Iffrit par R.A. Lafferty : Nouvelle fantastique, au style correcte.
Où un journaliste va interviewer un génie joueur de catch avant de se constituer une maison dans sa bouteille après avoir appris les mots magiques pour rapetisser et agrandir. Ce n'est pas que la nouvelle soit mal écrite, mais le sujet n'est pas franchement excitant.

+++ Les licornes sont contagieuses (sic** ) de Roger Zelazny : j'en parle ici.

+(+) Les dieux du lac Taxhling de John Brunner : Nouvelle de fantasy, très bien maîtrisée mais je ne suis pas fan du cadre "fin de l'age d'or" en fantasy, c'est à dire la disparition progressive de l’enchantement du monde (ie raréfaction ou disparition du surnaturel au profit de l'ordre naturel). Pour moi la fantasy doit justement se faire l'écho de l'enchantement.
Où un invocateur immortel (seul capable d'enchainer ou libérer les esprits élémentaires et démons), appelé le voyageur, poursuit son périple dans un monde à la magie rare et aux esprits enchainés, en exauçant les souhaits de personnes rencontrées sur son chemin. Le résultat de certains va l'amener à devoir prendre une part un peu plus active aux événements en place.

+ Le retour des barbes blanches de Pascal J Thomas : le second article du recueil est un billet d'humeur un peu facile et fatalement daté. De plus le côté déclinoïde et "où sont les jeunes, y a trop de vieux" ne m'a jamais vraiment attiré. Bof.

+(+) Le pape des chimpanzés par Robert Silverberg : sans doute la nouvelle la moins SF du recueil, elle est plus orientée vers la spéculative fiction ou l'anticipation proche. Le seul élément un peut "futuriste" est la présence de singes plus intelligents que la moyenne. Bien que n'étant pas spécialement fan de Robert Silverberg, cette nouvelle est très bien écrite. Elle a toutefois fait resurgir mes angoisses issues de la planète des singes (un vrai film d'horreur pour moi).
Où des scientifiques, qui observent et communiquent avec un groupe de singes évolués, observent la naissance d'une religion simiesque avec la prise de conscience par ces derniers de la mort d'un humain.

++ Un amour de licorne de Gene Wolfe : une nouvelle assez surprenante avec un côté très zelaznien pour l'intégration du mythe, le cadre universitaire et l'utilisation de poésie.
Où l'auteur examine les conséquences sociales de la mise à portée de tous de l’ingénierie génétique... Tout le monde voudra sa créature personnelle... Et comme toutes les formes imaginables sont déjà présentes dans les mythologies humaines...

+(+) Intersections de John M Ford : Une nouvelle assez plaisante et intéressante qui comporte un léger cousinage avec "Nimitz, retour vers l'enfer (1980)" et le monde des jeux de Michel Jeury. Elle commence par une publicité d'Alternities corporation.
Où une société, "Alternities corporation" propose à ses clients de revivre - en toute sécurité - des aventures en période de trouble (pilotes de guerre dont les avions peuvent être télécommandés, etc...) dans des "lignes" où le temps est compressé. Que se passe-t-il quand un pilote, employé de la société se retrouve dans une "faille temporelle?"

+ Le cabinet du discophile de Jean Bonnefoy : le troisième article présente "uniquement avec des lettres" 10  pochettes de vinyles pour un aspect en relation avec la SF. Sur un thème sympathique, un article trop long.... Mais vraiment trop long...Et verbeux... Et daté bien sûr.

++ La bête des étoiles et l'empathe de Jean Pierre Andrevon : une nouvelle assez réjouissante pour son petit côté zen new age, son cousinage avec Le pécheur de Clifford D. Simak et une conclusion ouverte intéressante (et inquiétante), Time of the season de The Zombies en fond sonore.
Où l'étude de notre karma et le tirage de notre yijing se fait par le cerveau du centre...
Où le centre se trouve être un ilot de stabilité de moins de 100 kilomètres carrés, contenant 5% de la population... Un ilot de paix new age chargé de récupérer par des sondes des créatures extra-terrestres...
Où Paul, un empathe, est chargé par le centre de neutraliser une créature inconnue échappée d'une sonde...

++ Gardiens de Georges R.R. Martin : une nouvelle fraiche, assez novatrice par l'auteur bien connu de la série "Le trône de fer". Celui-ci a produit également quelques nouvelles sur un ton plus léger dans un cadre de space opera, de "space opera marchant" pourrions nous dire si nous cherchions à catégoriser ce sous sous genre de la sf ; ce qui change du "space opera militaire" . Et somme toute, des relations commerciales sont sans doute préférables à la violence.
A noter : le héros, Haviland Tuf, se retrouvera dans un ensemble de nouvelles réunies en recueil. Pour une chronique, suivez le fil du traqueur et du cafard, et d'Anudar.
A noter aussi : Une nouvelle de SF avec des chats ne peut pas être mauvaise...
Où, Haviland Tuf, marchand, technicien écologiste et spécialiste de la guerre bactériologique et dépositaire de l'Arche, un immense vaisseau semoir de l'Ingénierie écologique SA, se chargera de régler les problèmes des habitants de la planète Namor avec des monstres marins...

0 : Jeu par Dominique Martel : le "quatrième article" de ce recueil est un quiz pour lequel il faut trouver le titre d'une œuvre de SF d'après un résumé. Remplissage issu d'une copinade de l'époque ? Encore un peu et nous aurions eu un mots-croisés avec des titres de films de SF.

0 : Le corps du texte par Emmanuel Jouane : la dernière "nouvelle" du recueil ressemble à un exercice de style sur une librairie. Verbeux remplissage.
Où l'exercice de style est difficilement résumable. Toutefois, une nouvelle globalement inoffensive.


Au final, le recueil dresse sans doute un portrait assez juste de cette époque : des auteurs anglo-saxons qui tiennent bien la route et une science fiction française encore à la traine. Ainsi, seule la plume de Jean Claude Dunyach (dont la nouvelle est placée en premier - un hasard?) relève le niveau des francophones. A noter chez les américains, les bons crus de l'année que constituent Somtow Sucharistul, Roger Zelazny, Gene Wolfe, Jean Pierre Andrevon et Georges R. R. Martin. Les articles ne sont pas franchement excitants, mais à part le jeu, rien de rédhibitoire.
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* un truc bien pratique que "les jeunes de moins de 20 ans ne peuvent pas connaîtreuuuuuuuuuuuh". C'était bien avant les baladeurs MP3 : On s'échangeait les CD (trop chers) entre copains et on enregistrait sur des cassettes les musiques qui nous intéressaient, pour pouvoir les écouter dans ce que l'on appelait un walkman (un truc qui avait au plus 90 mn d'autonomie de musique).
** pour le titre français.

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